Suisse, le centenaire Cavalier Romand
Belgique : de l’hippomobile à Hippo Revue
... Atypiques, mais résistants
La disparition de Le Cheval est bien sûr une mauvaise nouvelle pour la presse équestre print et payante en France. Est-ce une fatalité ? Tout porte à le croire à une époque où l’information gratuite (et parfois superficielle) via Internet est un dû et où les lecteurs… ne lisent plus, ou du moins, ne cherchent plus vraiment à aller au fond des choses. Et pourtant…
Seuls, deux magazines en France résistent à l’ogre numérique, non sans avoir développé leurs propres éditions digitales : Grand Prix, qui s’appuie sur de brillantes fondations marketing et le quinquagénaire Cheval Magazine, porté par le solide groupe de presse Larivière et par son assise semi-séculaire. Mais en une grosse décennie, Internet a enterré pas moins de six titres : Sports Équestres, Equestrio France, Jours de Cheval, Cheval Pratique (absorbé parCheval Magazine), le vénérable L’Éperon (dont on attend l’éventuelle résurrection via la SHF), et maintenant Le Cheval.
Pourtant, il existe des exemples chez nos deux voisins suisse et belge où la presse papier semble rester bien ancrée.
Beaucoup connaissent Le Cavalier Romand, centenaire depuis 2019, dirigé avec passion et pureté par son propriétaire Alban Poudret. Ce mensuel à la fois local et international, qui couvre un large éventail de disciplines, tout en gardant un format modeste, sans paillettes, tire à 6000 exemplaires en moyenne pour plus de 50 000 cavaliers estimés, dont 3 000 seulement faisant de la compétition. Soit un magazine pour huit équitants, ce qui, rapporté au chiffre estimé de trois millions de cavaliers en France (source IFCE) donnerait un potentiel de 370 000 magazines imprimés (!), soit environ cinq fois les tirages des deux publications de l’Hexagone (sauf erreur, car il s’agit d’une estimation puisque les tirages et diffusions officiels ne sont plus vraiment accessibles).
Avec 12 000 magazines diffusés tous les deux mois pour environ 40 000 cavaliers licenciés en Flandres, l’exemple du magazine belge Hippo Revue est tout aussi frappant. Cela fait un magazine pour un peu plus de trois équitants : un tel ratio, par rapport cette fois-ci au nombre de licenciés (670 000), donnerait en France un tirage total d’environ 167 500 revues imprimées.
Mark Wentein, le succès par la passion
Ce magazine en néerlandais a été créé voici trente-sept ans par Mark Wentein, que l’on connaît comme journaliste sur nos concours, mais également speaker ou juge d’attelage partout en Europe et même en tant que sportif meneur ayant participé à six championnats du monde à un cheval. Le parcours de cet homme bourré d’énergie est atypique : « J’ai découvert l’équitation au lycée un peu par hasard, le basket et le volley n’étant pas faits pour ma petite taille, j’ai choisi cette discipline par curiosité », raille ce chef d’entreprise multitâches. Six semaines après ce premier stage d’équitation, on lui propose un job de cocher pour promener les touristes dans les rues de sa ville de Bruges. En 1986, mener des calèches dans la Venise du Nord est devenu son métier et il décroche une première licence. Aujourd’hui, avec son fils Mathias, il détient la première entreprise du genre avec quatre calèches, et si vous allez à Bruges, choisissez de préférence les voitures flanquées de bordeaux, ce sont les leurs !
Les chevaux des Wentein sont bichonnés sur un domaine de onze hectares aux portes de la ville : un jour de travail, deux de repos au paddock. Ils sont entrainés comme de vrais athlètes. D’ailleurs, c’est avec certains de ses chevaux de calèche que Mark a participé aux mondiaux d’attelage à un. Sur ce domaine de Fort van Beieren (fort de Bavière) datant du XVIIIe, Mark a bâti son univers avec des écuries ultra-modernes gérées par l’informatique, sa demeure dans un corps de ferme, celle de Mathias, un véritable musée de l’Attelage avec une vingtaine de voitures de collection, de compétition ou de calèches de ville dans une grange aux allures de cathédrale et une brasserie où la table est excellente. Comme Alban Poudret en Suisse, Mark est un bon vivant !
C’est dans ce village familial que se trouve la rédaction d’Hippo Revue. La rédaction ? Deux grands bureaux occupés par Mark et Mathias, aidés par leurs femmes, qui partagent tous deux les mêmes passions avec ce souci de la perfection : attelage, éducation de chevaux, chasse à courre et presse. Depuis 1987, Hippo Revue a su rester solide et incontournable dans les Flandres : « Nous essayons de traiter toutes les disciplines possibles et que nos lecteurs aient ainsi l’esprit ouvert, et cela fait trente-sept ans que cela marche. Je suis persuadé que les gens vont revenir au papier, ils vont se lasser du numérique », assure Mark. D’ailleurs, Hippo Revue ne publie aucun article, aucune actualité sur le Web : le site, un peu vintage, ne sert qu’à promouvoir la revue dont quelques rares pages sont présentées en teaser. Peut-être l'un des secrets de cette réussite et de cette longévité ?
***
Conseil : si vous vous rendez à Bruges, essayez de pousser jusqu’à la Brasserie Fort van Beieren, Gemeneweidestraat 51, où vous croiserez peut-être Mark ou Mathias et osez leur demander de visiter leur grange aux calèches, s’ils ont le temps, on ne sait jamais ! Sinon vous dégusterez d’excellent plats belges.
D’autres restaurants typiques, dépaysants et savoureux en ville que l’on a bien aimés :
Herberg Vlissinge, Blekersstraat 2, dans le quartier calme de Sainte Anne au décor et à la table d’un autre temps.
Grand Kaffee De Passage, Dweerstraat 26, dans le centre, une chouette ambiance
De Vlaamsche Post, Helmstraat 3-5 charmant et romantique et une bonne cuisine flamande.
DIAPORAMA :
Mark Wentein, toujours positif !
Mathias Wentein, lors d'un safari en Ouganda
Pour ses six participations aux Championnats du monde, Mark Wentein a reçu le ‘Fei Badge of Honour’ des mains de Stephan Detry, président de la Fédération Royale Belge des Sports Equestres.
Mathias aux guides des Frisons Gina et Thanos lors d'une cérémonie à Bruges
Comments